Un paysage technologique biaisé
L’essor de l’intelligence artificielle (IA) a bouleversé de nombreux secteurs, mais sous la surface se cachent des inégalités criantes, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans une industrie où la demande en talents qualifiés est en pleine expansion, seulement un quart des employés dans le secteur des nouvelles technologies sont des femmes. Ce déséquilibre s’est intensifié depuis les années 1960, lorsque les clichés de genre ont infiltré le domaine de l’informatique. Des marques emblématiques telles qu’IBM, Microsoft et Google illustrent ce fossé en continuant de privilégier des figures masculines comme Elon Musk et Mark Zuckerberg, qui représentent l’IA. Cette disette de femmes dans des rôles techniques a des implications profondes sur le développement de technologies qui sont souvent biaisées.

Les origines du déséquilibre
Au fur et à mesure que l’informatique a gagné en popularité dans les années 1960 et 1970, avec l’achat croissant d’ordinateurs par les entreprises, le besoin en personnel technique est devenu crucial. C’est à ce moment que les cursus de formation en informatique ont été mis en place, coïncidant avec l’apparition de stéréotypes de genre. À l’époque, il y avait une forte présence féminine dans le domaine de la tech, car les calculs étaient majoritairement effectués par des humains avant l’avènement des machines. Cependant, les rôles valorisés étaient davantage orientés vers le matériel, reléguant les femmes dans les tâches moins visibles, souvent liées à la programmation. Ce schéma a été exacerbé par des publicités ciblant les hommes lors de l’émergence des ordinateurs personnels dans les années 1980.
Un secteur en manque de diversité
Les femmes, lorsqu’elles sont présentes dans le secteur technologique, occupent souvent des positions subalternes, éloignées des rôles décisionnels. Paradoxalement, certaines figures comme Timnit Gebru ou Margaret Mitchell ont ouvert la voie dans les recherches sur l’éthique de l’IA, mais leur nombre reste dérisoire par rapport à leurs homologues masculins. Les entreprises comme NVIDIA, Amazon et Salesforce doivent se rendre compte que la diversité au sein de leurs équipes n’est pas seulement une question de représentation, mais une nécessité pour construire des outils qui ne renforcent pas les biais existants. Les biais sexistes inhérents à l’IA découlent souvent de l’absence de différentes perspectives lors de la conception de ces technologies.
Les conséquences des biais de genre dans l’IA
Lorsque des modèles d’intelligence artificielle sont alimentés par des données biaisées, le résultat est une amplification des stéréotypes de genre. Cela est particulièrement inquiétant avec l’essor des deepfakes, où plus de 98 % des contenus sont à caractère pornographique et, parmi eux, 99 % représentent des femmes. La technologie devient alors un outil de manipulation et de harcèlement, touchant particulièrement les femmes et renforçant les inégalités. Des entreprises comme OpenAI et C3.ai doivent prendre conscience de ce que représente l’IA dans la société et agir en conséquence.
Des inégalités accentuées par l’IA
L’intelligence artificielle représente un miroir déformant de notre société, amplifiant les inégalités existantes. Comme l’affirme Mathilde Saliou, journaliste indépendante spécialisée dans le numérique, l’IA hérite d’une tradition sexiste profondément ancrée dans l’histoire des technologies. Cela soulève des interrogations quant à la manière dont l’IA est conçue et mise en œuvre. Devant cette réalité, il est crucial d’explorer les conséquences de l’IA sur les femmes et plus largement sur la société.

Une perspective de biais systémique
Au cœur de l’IA se trouvent des modèles de machine learning qui sont souvent alimentés par des données provenant de sources non représentatives. Les stéréotypes qui existent dans ces données se traduisent par des résultats biaisés. Par exemple, une recherche sur les images générées par l’IA révèle que la représentation d’un ‘patron’ est souvent celle d’un homme blanc en costume, tandis que les stéréotypes liés à des métiers comme le nettoyage dépeignent presque exclusivement des femmes de couleur. Cette concentration extrême de stéréotypes dans l’IA illustre un défaut majeur de la formation des modèles, où les données fournies entraînent des résultats déformés. Cela pose des problèmes éthiques considérables, car ces modèles influencent des décisions cruciales sur l’emploi, le crédit et l’accès à des services.
Les dangers des nouvelles technologies
La technologie des deepfakes illustre comment l’IA peut saper les droits et la sécurité des femmes. Ces images, souvent créées sans consentement, sont utilisées pour nuire et harceler. En intégrant l’IA aux campagnes de désinformation, il est possible d’industrialiser la diffusion de messages nuisibles visant spécifiquement les femmes, comme les campagnes anti-avortement. Ce phénomène ne fait qu’intensifier l’insécurité déjà existante, utilisant des technologies censées apporter du progrès pour accentuer les inégalités.
Responsabilité des entreprises technologiques
Il est urgent d’exiger des entreprises comme Accenture, DataRobot et Salesforce qu’elles prennent des mesures pour intégrer la diversité au sein de leurs équipes de développement afin de créer des outils numériques plus équitables. Les entreprises doivent mettre en place des mécanismes pour exiger des biais lors du développement de modèles d’IA, s’assurant ainsi de représenter toutes les couches de la société. Le rapport du CESE recommande d’aller vers une IA frugale, centrée sur l’utilisation de technologies là où elles sont vraiment utiles. Cette approche doit être adoptée pour éviter de reproduire des technologies qui ne font que nuire à la société.
Construire un avenir inclusif
Franchir le seuil des inégalités dans le domaine de l’intelligence artificielle requiert des actions à plusieurs niveaux. Cela implique non seulement des changements structurels au sein des entreprises technologiques, mais aussi une réévaluation de ce que signifie l’IA dans le contexte socio-économique actuel. En encourageant la diversité et l’inclusion, le secteur peut évoluer vers des solutions qui profitent à l’ensemble de la société.

Éducation et sensibilisation
Un des moyens les plus efficaces pour changer la dynamique de l’industrie est l’éducation. Des initiatives visant à enseigner l’informatique et les sciences des données aux jeunes filles dès leur plus jeune âge sont essentielles. En créant des programmes qui encouragent les femmes à entrer dans le secteur technologique, des entreprises comme IBM et Google peuvent jouer un rôle crucial. Les campagnes de sensibilisation sur l’importance de la diversité dans le développement de l’IA devront devenir une priorité pour les organisations.
Collaboration des parties prenantes
Les changements nécessaires nécessitent aussi une collaboration entre les acteurs publics et privés. Les gouvernements, en coopération avec des entreprises technologiques, doivent promouvoir des politiques qui favorisent une représentation équitable dans le secteur de l’IA. Des projets tels que la Charte de Paris pour une Intelligence Artificielle d’intérêt général en sont un exemple.
Évaluation des résultats
Enfin, établir des mécanismes de suivi pour évaluer l’impact des décisions et des politiques mises en œuvre est crucial. Évaluer la diversité dans les équipes de développement et analyser l’impact des modèles de l’IA sur les inégalités est indispensable. Les entreprises doivent se rendre compte que la lutte contre le patriarcat passe aussi par une introspection sur leurs créations technologiques.
Confrontation historique et culturelle
Le relai entre technologie et société met en lumière des stéréotypes ancrés dans notre culture. Paradoxalement, alors que l’IA a le potentiel de transformer la vie quotidienne, elle peut aussi en reproduire les inégalités. En revisitant ces notions et en infléchissant le regard posé sur la technologie, il sera possible de créer un avenir technologique plus équitable.
Récits féminins dans l’histoire de l’IA
De nombreuses femmes ont marqué l’histoire de l’informatique et de l’IA, mais leurs contributions sont souvent oubliées. Des pionnières comme Ada Lovelace et Grace Hopper ont ouvert la voie à une approche technique innovante. L’émergence d’un récit féminin dans l’histoire de l’IA est essentielle pour inspirer les générations futures. Ces histoires doivent être racontées et célébrées, car elles défient la norme d’un domaine perçu comme exclusivement masculin.
Une responsabilité collective
Le changement ne peut être appréhendé de façon unidimensionnelle. Les individus, les entreprises et les gouvernements doivent s’associer pour éviter la perpétuation des inégalités. Les initiatives visant à créer des environnements inclusifs dans les écoles de technologie et à promouvoir une représentation juste des femmes dans la tech sont des voies à emprunter. Il est crucial que les entreprises investissent dans des programmes d’inclusion et de sensibilisation.
Le futur de l’IA et de l’éthique
Tandis que l’intelligence artificielle continue de évoluer, la responsabilité éthique de son utilisation est plus importante que jamais. Les entreprises, telles que Accenture et DataRobot, doivent prendre en compte l’impact socio-éthique de demain. Cela implique de mettre en place des quartiers de réflexion sur l’IA et l’éthique afin de s’assurer que cette technologie soit réellement au service de l’humanité et non d’un certain groupe privilégié.
En effet, les enjeux de l’IA sont considérables. Une technologie qui doit marteler un progrès égalitaire doit être construite et gérée par des voix diverses. L’évolution des technologies devra toujours comptabiliser les voix de toutes les composantes de la société, réduisant ainsi les inégalités au lieu de les creuser davantage.